Il lui restait encore du temps avant que son cours débute, et Dima débattait l’idée d’aller se chercher un café avant de s’y rendre, pour au final conclure qu’il avait trop la flemme et qu’il irait plutôt durant la pause. La dernière heure de cours était toujours la pire et il aurait plus besoin de caféine à ce moment-là.

Dmytro se dirige donc direct vers la salle de classe, sans faire de détour. Il s’attendait à un peu de répit en attendant que le cours commence, peut-être quelques élèves particulièrement assidus mais tranquilles tout au plus. Autant dire que ses attentes furent rapidement brisées une fois la porte franchie. Accueilli par la vue et le son de la voix de la personne qu’il avait le moins envie de voir présentement, il considère pendant une bonne solide seconde l’idée de faire demi-tour.

Encore pire, Sunghyun avait l’air d’être de bonne humeur, et ça, ça présageait rien de bon et ne contribuait qu’à assombrir la sienne.
Soupir. Urgh, pas toi.

Qu’est-ce qu’il avait contre Sunghyun? Au fond tout et rien. Il détestait son ego surdimensionné, la confiance avec laquelle il proclamait ses opinions tout à fait erronées et ridicules. Et plus récemment, cette stupide idée qu’il avait eu d’essayer de se mêler de ses affaires personnelles.

Je demande pour un ami là… Mais c’est quoi ton problème ?
Il dépose son sac sur la table la plus proche de la porte et s’avance vers Sunghyun pour se planter devant lui. Y’a pas à dire, il détestait cette expression suffisante qu’il avait sur le visage. Et il savait pas pourquoi il s’en prenait à lui comme ça, sans aucune bonne raison, purement pour l’agacer, et évidemment ça fonctionnait.

D’abord, laisse Jin tranquille.

Qu’on cherche la merde avec lui, passe encore, ça c’est la routine et il avait l’habitude, mais qu’il tente de tirer Hyojin dans cette histoire, ça passait pas. Il avait confiance en Hyojin, ce n’était pas la question, mais il savait aussi que Hyojin était trop poli pour envoyer Sunghyun promener. Et déjà que de base Dima n’appréciait pas du tout l’idée que l’on tourne autour de son copain, c’était carrément insupportable venant de quelqu’un qui ne l'appréciait vraiment mais vraiment pas, qui ne pouvait qu’avoir des mauvaises intentions.

Je sais pas quelle connerie t’as en tête, mais j’te rappelle qu’on n’est pas dans un de tes dramas médiocres ici, alors reste à ta place.

Gratuit et facile, ce qu’il méritait.

Dmytro était une cible facile et il en était bien conscient. Il mordait à l’hameçon à chaque fois, et c’était facile à voir. Et même s’il le faisait en toute connaissance de cause, c’était pas non plus entièrement volontaire, quelque part entre un réflexe et une habitude.

Ouais, enfin, bien que j’en ai rien à battre de ton avis, difficile de pas être tendu quand j’suis dans la même pièce que toi, Sunghyun.

Il soutenait son regard, le sien totalement assassin. C’était pas lui l’acteur ici, ses émotions transparaissaient telles quelles à travers son corps. Les dents serrées, les bras croisés et les sourcils froncés. Il méprisait cette manière que Sunghyun avait de jouer à l’innocent, son visage impassible, les émotions si naturellement millimétrées et ses mots lâchés à la perfection. Parce qu’évidemment, en contraste, ça le faisait si mal paraître, ce qui ne faisait que le frustrer encore plus, et ainsi de suite, l’entraînant la spirale infernale de l’ire.

Ses doigts se resserrent autour de ses bras, ses jointures pâlissant légèrement. C’était n’importe quoi, il le savait, des répliques soigneusement choisies pour l’enrager, et évidemment ça fonctionnait. Parce qu’après tout, ce n’était jamais agréable à entendre, et peut-être bien que ça visait un peu juste. Il reste silencieux quelques secondes, toisant Sunghyun avec tout le mépris du monde.

Ça va, t’as fini ton petit monologue ? T’sais quoi, à bien y penser, j’crois que je préfère encore être un figurant que la jolie gueule sans substance ni nuance qui sert juste à faire beau sur les affiches. Oh mais t’inquiètes, ça te va si bien à toi ce rôle.

La condescendence était partagée, et Dmytro n’était certainement pas connu pour sa tendance à désamorcer les tensions. L’arrogance de Sunghyun n’est égalée que par son dédain. Tout de lui l’irritait, sa patience était déjà plus mince qu’une feuille de papier, s'effritant à chaque mot supplémentaire qui sortait de la bouche de l'autre.
Dmytro décroise les bras pour venir porter la main à son visage dans un geste exaspéré, accompagné d’un soupir bien senti.

Fuck, mec, tu fais trop chier. De où ça te regarde d’abord ce que Jin fait avec moi, et pourquoi ça t’intéresse autant ? T’es vraiment sûr que c’est pas lui qui t’intéresse ? Non parce que des fois j’ai un doute.

Il lui lance un regard foudroyant, plein de sous-entendus. Il suspecte fortement que si Sunghyun avait approché Hyojin, c’était sans doute pas juste pour parler de la météo. De manière générale, il avait décidé que c'était plus simple de ne rien assumer de bienveillant de sa part.

Bref, fous lui la paix, j’veux pas te voir tourner autour de lui, point barre. Il accentue les mots, il tente de reprendre le dessus, opposant à l’air suffisant de Sunghyun son ton abrasif.

C’est qu’il avait ses insécurités aussi, Dima. Et au fond, il était d’accord, c’était contradictoire, cette relation, presque un non-sens. Et des fois il se le demandait, s’il était une bonne personne.
Mais il n’avait pas envie d’en parler, pas envie de l’entendre, encore moins venant de quelqu’un qui ne pouvait pas le sentir et qui devait probablement baser sa vision de la vie sur les mêmes séries plus qu’insipides et simplistes.

J’suis moi, no shit, quelle fine analyse de ta part, comme on s’y attend. Encore heureux que j’sorte pas avec quelqu’un comme toi tiens, toujours plein de jugement comme ça. T’en a pas marre des fois ? Non parce que venant de toi en plus… On peut souligner l’audace au moins.

Douce hypocrisie. Comme s’il avait pas lui-même l’habitude tordue de chercher le drame dans le mondain, partout où il pouvait le trouver. Quitte à avoir cette colère dans le creux de son corps qu’il sentait monter petit à petit, à laquelle il avait presque envie de céder.